Annulation d'un contrat d'achat pour vice du consentement

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La cour d’appel de Bordeaux par un arrêt du 13/06/2018 annule pour vice du consentement le contrat d’achat de panneaux photovoltaïques et par voie de conséquence le contrat de crédit lié à cet achat. La cour va plus loin en refusant à la banque la restitution par l’acquéreur du capital prêté. Cet arrêt a été suivi par 4 arrêts rendus le 05/07/2018, cette fois par la cour d’appel de Paris.

Comment s’organise le démarchage à domicile ?

Le 16/08/2012, deux commerciaux de la société TEH (désormais en liquidation judiciaire) se présentent chez une dame âgée de 72 ans, veuve et disposant d’une modeste retraite, pour vanter l’intérêt d’équiper son habitation de panneaux photovoltaïques à titre de «maison témoin», ce qui, disaient-ils, lui permettrait de bénéficier de la gratuité de consommations électriques.
Les panneaux photovoltaïques installés, elle reçoit un courrier de l’organisme de crédit qui la remercie pour la souscription d’un prêt de 25.000 €, l’invitant à s’acquitter des échéances; ce qu’elle ne veut ni ne peut faire. L’installation n’a jamais fonctionné, l’acquéreur a continué à régler ses consommations d’électricité. La société d’avocats CDN JURIS se saisit du dossier dans l’intérêt de l’acquéreur.

Comment se déroule la procédure devant le tribunal d’instance ?

La société TEH a été admise à la liquidation judiciaire le 29/01/2013. L’organisme de crédit assigne tout d’abord l’acquéreur devant le tribunal d’instance de Bordeaux pour le voir condamner à rembourser le capital emprunté, mais curieusement décline dans la même assignation la compétence de ce tribunal au profit du tribunal de commerce, prétextant que le contrat porte sur une installation de panneaux photovoltaïques destinée à produire de l’énergie électrique en vue de la revente.
Par jugement du 07/01/2015 le tribunal d’instance de Bordeaux se déclare incompétent au motif que «le contrat de crédit a eu pour objet de permettre l’acquisition et l’installation de panneaux en vue de la production et la revente d’électricité», donc qu’il s’agit là d’un acte de commerce par accessoire qui relève de la seule compétence du tribunal de commerce.

Comment se déroule la procédure devant le tribunal de commerce ?

L’organisme de crédit réitère ses demandes devant le tribunal de commerce, mais par jugement du 07/12/2015 le tribunal le déboute en prononçant la nullité du contrat de prêt sans pour autant préciser si du fait de cette annulation le capital versé par la banque doit lui être restitué et par qui, l’acheteur ou la société TEH, ce qui semble du reste très illusoire en raison de la mise en liquidation judiciaire de cette dernière.
L’organisme de crédit interjette appel de cette décision mais par arrêt du 13/06/2018 la cour confirme la décision du tribunal de commerce.

Comment se déroule la procédure devant la cour d’appel ?

L’organisme de crédit expose que l’acquéreur accomplissait ou avait la volonté d’accomplir régulièrement des actes de commerce qui consistent à revendre de l’électricité, de sorte que le droit de la consommation ne doit pas s’appliquer en l’espèce, que les parties ont traité d’égal à égal, que l’acquéreur est spécialiste du photovoltaïque autant que le vendeur, qu’il a signé l’attestation de livraison et de demande de financement, que dans ces conditions le contrat de prêt est valable ce qui doit conduire au remboursement de la somme prêtée à laquelle doit s’ajouter une condamnation à dommages et intérêts pour résistance abusive.

La société d’avocats CDN JURIS expose que l’acquéreur peut bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation, n’ayant jamais voulu ni été commerçant, que le contrat de vente doit être frappé de nullité pour vice du consentement et dol dans la mesure où les contrats sont contrefaits par ajouts d’informations à postériori, que l’acquéreur conteste par ailleurs avoir signé l’attestation de livraison et de demande de financement, que l’organisme de crédit n’a pas satisfait aux exigences de vérification de la solvabilité de l’emprunteur ce qui entraine tout au moins la déchéance des intérêts conformément aux dispositions de l’article L 311-48 du code de la consommation, que n’ayant lui-même reçu aucun fonds de l’organisme de crédit et se retrouvant avec un matériel improductif, inutile et générateur de nuisances, il n’a rien à rembourser.

Trois questions se posaient à la cour :

Le contrat de vente doit-il être annulé ?
Certes les conditions générales du contrat de prêt reprenaient toutes les dispositions du code de la consommation, ce qui est souvent le cas, mais la cour n’a pas souhaité entrer dans le débat juridique de la soumission volontaire ou non du prêt au code de la consommation, par contre elle s’est penchée précisément sur le contrat de vente, comme il lui était demandé par la société d’avocats CDN JURIS, pour vérifier si l’acquéreur avait bien compris la portée de son engagement.
Constatant que le contrat de vente ne fait aucune référence à des actes de commerce, faisant même référence lui aussi au droit de la consommation, que l’acquéreur n’a jamais été commerçant, qu’il était âgé de 72 ans, que le contrat avait été souscrit à domicile, la cour a estimé qu’au regard de la présentation du contrat, doublé d’un courrier ultérieur de demande d’explications sur la portée de l’engagement, le consentement était vicié sur un de ses éléments essentiels à savoir la nature du contrat, ce qui entraînait la nullité du contrat puisque à aucun moment l’acquéreur ne pouvait savoir qu’il s’engageait à réaliser des actes de commerce.

Le contrat de prêt doit-il être annulé ?
Le contrat de vente étant nul, la cour rappelle à juste titre que le contrat de prêt étant un contrat accessoire à la vente, donc interdépendant, le prêt ne peut survivre à l’annulation du contrat principal et doit donc être annulé.

Quelles sont les conséquences de l’annulation du contrat de prêt ?
A la demande de l’acquéreur, restait donc à régler le point du remboursement du capital versé par l’organisme de crédit à l’entreprise venderesse à l’occasion de cette vente puisque généralement ce capital emprunté pour l’acquisition lui est versé directement, sans transiter par l’acquéreur lui-même.
La cour rappelle qu’une contestation s’est élevée au sujet de la validité de l’attestation de livraison du matériel autorisant le déblocage du capital en relevant une discordance d’écriture, au point de douter que l’acquéreur soit l’auteur de ce document.
La Cour en déduit que l’organisme de crédit a remis directement les fonds au vendeur au titre d’un contrat nul sans pouvoir se prévaloir d’une autorisation expresse de l’acquéreur, de sorte qu’elle ne peut prétendre à aucune restitution, précisant que l’organisme de crédit pouvait se retourner contre son client, le vendeur, ce qu’elle n’a jamais fait.

CDN JURIS
Maître Gérard NAVARRO
Avocat associé
Références
Cour d’appel de Bordeaux du 13/06/2018
Rôle n° 16/00543

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